Le Temps de ce 10 août (p. 5), présente le mouvement catholique intégriste « Civitas » et son antenne suisse. Il ne m’appartient pas de juger de la doctrine religieuse de ce mouvement dont j’apprends l’existence, mais il me paraît nécessaire de réfléchir par anticipation pour notre pays et nos cantons – n’oublions pas que les relations Eglises-Etat en Suisse sont strictement de la compétence cantonale – à ce qui nous est rapporté comme un idéal de ce mouvement en France : que le catholicisme redevienne une religion d’Etat.
La malédiction de la religion d’Etat
L’expression même éveille immédiatement un écho douloureux : « Gott mit uns ! ». La notion de religion d’Etat est, par excellence, la tentation du pouvoir. C’est une tentation qui menace toutes les religions, car quoi de plus puissant que la foi des fidèles ? Combien de guerres ont été menées au nom d’une religion d’Etat ? Combien de chefs religieux ne se targuent-ils pas, aujourd’hui encore, d’être des chefs politiques ou d’avoir l’oreille du pouvoir ? Lorsqu’une religion devient religion d’Etat, le pouvoir politique peut utiliser l’organisation territoriale de cette religion (les églises, les paroisses, par exemple), comme des subdivisions administratives à son service, des bras séculiers cachés sous un idéal transcendant ! Et c’est la fin de la liberté religieuse et la décadence du christianisme. Il ne fait aucun doute que le christianisme souffre aujourd’hui encore et plus que jamais des abus opérés lors de sa récupération par le pouvoir politique ou sa prise de pouvoir politique, les deux notions se reflétant. Mais j’entends aussitôt une réaction que je comprends fort bien : voulez-vous donc que l’Etat ne se préoccupe plus du christianisme et le renie ?
C’est là que commence le risque de malentendu.
L’Etat est garant de la transmission culturelle qui constitue le ciment d’une société
Toute l’histoire de l’Europe occidentale est pétrie du christianisme, dans ses différentes confessions, il est donc essentiel que l’Etat tienne compte du rôle culturel de cette religion en général. Qu’il assure l’enseignement et la transmission des valeurs qui forment le socle de la culture européenne occidentale. La peinture, la littérature, la musique, le théâtre, le droit, tout ce qui représente la culture au sens large des pays européens est façonné par le christianisme ; la notion d’égalité – et non pas d’égalitarisme – donc la démocratie lui doit son développement comme d’ailleurs l’origine des lois sociales. Dans la mesure où le christianisme est un socle civilisationnel, il est normal que l’Etat le considère comme étant d’intérêt public et lui accorde un soutien financier ou administratif de même qu’il en accorde à d’autres institutions qualifiées d’intérêt public. Mais c’est nous, les chrétiens, qui sommes responsables de l’accomplissement de la mission reçue. C’est à nous et à nos églises de résister à toute récupération par le pouvoir ou par un mouvement politique quel qu’il soit. La politique ne se fait pas « au nom de Dieu » ni « au nom de la vérité ». L’Etat n’est pas détenteur de la vérité, il est juste le reflet de l’humanité. C’est aux chrétiens de le lui rappeler en toute indépendance mais avec courage.