Ces guerres nourries par des ambitions personnelles

M. Biden est en pleine campagne électorale, M. Netanyaou veut sauver son siège, M. Zelenski a annulé les prochaines élections, M. Putin s’espère immortel, et tant d’autres chefs d’Etat qui ne pensent à leur peuple et aux victimes possibles des guerres qu’ils entretiennent – quand ils ne les ont pas eux-mêmes causées – qu’à travers la lunette de leurs ambitions personnelles… C’est vraiment épouvantable.

Les deux conflits actuels les plus frappants sur ce point, sont ceux d’Ukraine et d’Israël. M. Biden est lourdement impliqué dans les deux, M. Netanyaou, dans le second. Et les deux chefs d’Etat sont incapables de penser à autre chose qu’à eux-mêmes et se laissent peut-être facilement influencer par quelques faucons qui les entourent.

Ils commettent les deux la même faute grave : sous-estimer l’intelligence et la résistance de l’ennemi et vouloir l’éradiquer.
M. Biden a, au début de l’invasion russe en Ukraine, empêché M. Zelenski d’aller de l’avant avec le plan de paix que ce dernier avait immédiatement concocté, conscient de la force en hommes et en matériel de la Russie. Mais M. Biden avait déclaré qu’il fallait « écraser la Russie » et s’engageait à soutenir l’Ukraine sans limites. Sans doute se voyait-il déjà en sauveur du monde. Maintenant, il doit freiner le soutien en matériel car les Républicains trouvent la facture inquiétante. Et de toute manière, la livraison de matériel de guerre ne permet pas à M. Zelenski d’en faire tout l’usage qui pourrait lui paraître utile, puisqu’il ne faut pas – et c’est une condition indispensable pour éviter une 3e guerre mondiale – que ces armes soient utilisées pour contre-attaquer l’ennemi sur son propre territoire.
Et avec le conflit israélo-palestinien, M. Biden découvre peut-être que M. Putin est d’une intelligence diabolique et que la Russie n’est pas vraiment « écrasable ». Mais comment ne pas « perdre la face » ? Et en période électorale ? Après tout, laisser l’Ukraine cuire dans son jus et envoyer tous ses hommes à la boucherie, manifester sa déception devant l’échec de la contre-offensive annoncée pendant des mois, et peut-être mettre la faute sur M. Zelenski pour finir (ce n’est pas encore le cas, mais rien n’est impossible quand on a le goût du pouvoir !) ce sera peut-être une manière de se « tirer d’affaire ».

M Netanyaou, quant à lui, est un exemple de mauvais chef : si, comme on a pu le lire et l’entendre de la part de personnes dignes de foi, il avait connaissance du plan de l’attaque horrible du 7 octobre du Hamas, mais ne l’a pas pris au sérieux parce qu’il estimait l’ennemi incapable de le réaliser, il a commis, ce faisant, la première faute impardonnable d’un responsable de la sécurité de son peuple : sous-estimer l’intelligence de l’ennemi.
Et maintenant, il commet l’autre faute grave : vouloir éradiquer l’ennemi, en ignorant que cet ennemi n’est pas «une armée et un Etat », mais une haine et une ambition « détruire Israël », donc une idée qui se propage indépendamment des frontières et qui s’entretient notamment par la violence inouïe déployée sur Gaza au risque d’ailleurs de tuer des otages israéliens eux-mêmes comme cela s’est déjà produit. Le responsable de ces morts, de tous les morts civils en outre, ce n’est pas l’armée israélienne, ce sont les ordres donnés par M. Netanyaou qui doit prouver qu’il a raison, qu’il défend bien son pays après l’avoir, en un sens trahi, par mépris de l’ennemi. S’il perd, M. Netanyaou devra laisser sa place et peut-être un peu plus !
Quant à M. Biden, lui, tiraillé entre l’obligation morale de mettre fin au massacre dans la bande de Gaza et le désir de faire plaisir à une partie de l’électorat américain, il incite ses ambassadeurs à l’ONU à refuser une résolution de cessez-le-feu ou à encourager des résolutions qui ne débouchent sur rien, comme la dernière en date. « Il boîte des deux pieds ».
Par vanité et ambition, deux hommes sont principalement responsables d’une somme de souffrances incalculable.
Cela ne supprime pas la responsabilité du Hamas et de M. Putin, mais devrait éclairer d’un autre jour les efforts de paix.

Il n’y a pas de guerre juste

Mais qu’est-ce qu’une guerre ? C’est un conflit armé entre Etats, selon une définition très classique et première. Si un Etat envahit le territoire d’un autre Etat, il lui déclare la guerre dans les faits, quelque prétexte qu’il puisse invoquer et l’Etat envahi a le droit de se défendre par les armes. Il entre en guerre ; sa guerre de défense est légitime. Cette légitimité lui permet-elle de « contre-envahir » le territoire de l’autre pour l’affaiblir sur son propre terrain ? Pour vaincre, il va toutefois chercher à repousser l’envahisseur non seulement jusqu’à sa frontière, mais éventuellement en empiétant sur le territoire de l’autre, afin d’inquiéter sa population et d’avoir éventuellement une monnaie d’échange. Sa guerre est-elle encore légitime s’il sort de ses frontières pour commencer à envahir l’envahisseur ? S’agit-il d’une double guerre de conquête ou seulement d’une tactique de défense ? La 2e guerre mondiale n’a pris fin qu’avec l’envahissement de l’Allemagne par les Alliés.

Dans le grave conflit russo-ukrainien, les alliés de M. Zelenski lui interdisent d’utiliser les armes qu’ils lui donnent pour porter le conflit sur sol russe par crainte – fondée – d’une escalade. La conséquence, c’est que l’Ukraine doit se limiter à une guerre défensive sur son propre territoire à moins de n’utiliser exclusivement ses propres armes qu’elle n’a pas en suffisance.
Pourquoi, mais pourquoi M. Biden a-t-il mis dans la tête de M. Zelenski « d’écraser la Russie », tout en lui interdisant de sortir de son territoire pour contre-attaquer ? Après l’échec russe devant Kiev, au début de la guerre, les conditions d’une paix honorable étaient réalisées. M. Biden et M. Zelenski – et peut-être aussi les vassaux européens des USA – ont cru que la Russie serait vite à genoux. Ils se sont mis dans la tête qu’il s’agissait d’une guerre sainte du Bien contre le Mal ; ils ont commis la grande erreur de fatuité qui consiste à sous-estimer l’intelligence et la force de l’ennemi. Et maintenant, la situation s’est nettement péjorée pour l’Ukraine. Le temps est venu de mettre tout en œuvre pour faire cesser la boucherie du front, la souffrance de la population civile, la destruction systématique de l’Ukraine, le dépeuplement du pays. Pour cela, il faut évidemment reconnaître qu’il n’y a pas de guerre juste mais que toute guerre est horrible et que la seule utilité des pays qui ne sont pas en guerre est de faire tout leur possible pour aider les belligérants à trouver une solution de paix durable en respectant les morts et les survivants de part et d’autre.