Inquiétante réponse du Conseil fédéral à l’initiative sur la neutralité

L’administration fédérale vient de publier le communiqué du Conseil fédéral concernant l’initiative populaire fédérale intitulée « Sauvegarder la neutralité suisse » : il renonce à y opposer un contreprojet et invite simplement à la rejeter.

En soi, je pourrais me rallier à l’argument selon lequel une initiative concernant la politique étrangère ne doit pas figurer dans la constitution car cela risque de paralyser le Conseil fédéral quand il s’agit de prendre des décisions concernant les relations internationales de notre Pays, alors que ces relations doivent pouvoir être adaptées rapidement à des situations qui changent parfois brusquement.

Mais le communiqué comporte un passage sur les sanctions qui ne manque pas d’être très inquiétant. On peut lire en effet : « La Suisse ne pourrait plus reprendre les sanctions visant des Etats belligérants qui sont décrétées en dehors du cadre de l’ONU. Les sanctions sont aujourd’hui un levier important dont disposent les Etats pour réagir aux violations du droit international. Le Conseil fédéral estime notamment que s’associer à des sanctions largement approuvées sur le plan international sert les intérêts de la Suisse car ces mesures visent à maintenir un ordre international pacifique et équitable ».

 

Le passage cité ci-dessus comporte  quatre affirmations inquiétantes pour ne pas dire « erronées ».

 

  • La Suisse ne peut pas « reprendre les sanctions ». Elle doit en revanche chercher quelles mesures prendre pour ne pas profiter des sanctions ou risquer de favoriser un Etat ou un autre. La formulation du communiqué comporte la même maladresse que celle réalisée au début de la guerre en Ukraine. La Suisse ne devait pas dire alors qu’elle « reprenait » les sanctions mais que, pour éviter de profiter de ces dernières ou de favoriser un Etat ou un autre, elle décidait d’appliquer telle ou telle mesure. La manière de communiquer est fondamentale et maintes voix avaient déploré le manque de diplomatie et la mauvaise communication du Conseil  fédéral, défauts qui ont fait la joie de tous les Etats qui détestent notre neutralité.
  • Les sanctions ne sont  ni « un levier important », ni « une manière de réagir à une violation du droit international ». C’est en fait une manière de faire souffrir la population civile du pays sanctionné dans l’espoir qu’elle se soulèvera contre les responsables politiques et les contraindra à changer de politique, voire à démissionner. Par les sanctions, les Etats prennent en otage la population civile de l’Etat sanctionné. Ces sanctions sont en général politiquement inutiles et finissent par nuire aux populations des Etats qui les ont décrétées dans la mesure évidemment où ces Etats ne trichent pas dans leur manière d’appliquer les sanctions.
  • Que peut bien signifier « sanctions largement approuvées sur le plan international » ? Suffit-il qu’elles soient « approuvées » ou doivent-elles être « appliquées » ? On ne sait souvent pas très bien qui les applique ni comment. Et que signifie « largement » approuvées ? Combien de pays « approuvent » les sanctions prises contre la Russie ?
  • Quant à affirmer que « ces mesures visent à maintenir un ordre international pacifique et équitable », c’est une contradiction évidente par rapport à la réalité. Les sanctions contre la Russie par exemple n’ont strictement aucun effet « pacifique » et ne maintiennent aucun ordre international.

 

Il serait bon que le Parlement, quand il débattra du sujet, profite de mettre les point sur les i et élabore peut-être un contre-projet nuancé, attirant l’attention sur l’importance de la neutralité en politique intérieure suisse aussi, et notamment de la neutralité armée. Il serait très grave qu’un rejet éventuel pur et simple, en votation, de l’initiative puisse être interprété comme une acceptation de la philosophie erronée énoncée dans le communiqué du Conseil fédéral et comme une réduction de la neutralité à sa seule dimension internationale.

 

CPI: condamner un chef d’Etat en fonction?

La CPI vient de lancer un mandat d’arrêt contre M. Netanyahou pour crime contre l’humanité. A quoi cela peut-il servir ?

Si cela oblige  tout Etat reconnaissant la juridiction de cette Cour internationale à arrêter M. Netanyahou sur son territoire pendant son mandat politique, c’est évidemment totalement absurde:  cela équivaudrait à empêcher ces Etats d’accueillir jamais des pourparlers de paix crédibles. En effet, aucune démarche de paix sérieuse ne peut avoir lieu sans invitation de tous les protagonistes – or on voit mal un participant se rendre dans un Etat où il sait qu’il sera immédiatement arrêté!!! – mais d’autre part, si un Etat signataire du CPI refuse d’exécuter la condamnation, il viole un Traité.

Certes, la Suisse, à cause de sa neutralité, ne peut pas exécuter la condamnation du CPI contre un chef d’Etat en fonction. Ce serait d’ailleurs dénier aux citoyens qui l’ont élu le droit de choisir leur chef politique. Or si ce chef d’Etat, si insupportable et antipathique puisse-t-il être, a été élu démocratiquement dans son pays, on ne voit pas de quel droit un Etat étranger pourrait désavouer officiellement les électeurs de cet Etat. Le problème est d’ailleurs le même en ce qui concerne le mandat contre M. Poutine, même si les élections en Russie ne sont guère démocratiques, parce que ce chef d’Etat est le seul qui peut représenter et engager son pays.

Entendons-nous bien ! La question ici n’est pas celle du bien-fondé ou non de la condamnation pour crime de guerre et crime contre l’humanité, il s’agit de poser deux questions ?

  • A quoi sert un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en fonction si cela exclut toute chance pour les Etats respectueux de la juridiction de la CPI de contribuer valablement à la paix ?
  • A-t-on le droit de décider d’arrêter dans un pays un chef d’Etat élu – parfois même démocratiquement – dans un autre Etat ? L’élection n’est pas la garantie de la qualité d’un élu, mais si chacun se mêle de décider du bien-fondé ou non d’une élection dans un autre Etat, quand il s’agit de relations internationales, il n’y a plus de relations internationales possibles.

Il va de soi que ces réflexions ne valent que pour un chef d’Etat en fonction. Sitôt son mandat terminé, son immunité disparaît.

Le prix de l campagne électorale américaine

 

Selon la RTS de 12h45, ce 18 novembre, M. Biden aurait autorisé M. Zelensky à utiliser des armes de longue portée contre la Russie.

C’est irresponsable !

Certes, en livrant des armes à M. Zelensky , les USA et les pays européens permettaient à ce dernier de tenir tête à la Russie pendant quelques années, ce qui aurait été impossible sans cette aide, mais en lui interdisant d’utiliser les armes otaniennes à longue portée contre la même Russie, M. Biden condamnait M. Zelensky à perdre la guerre au prix d’ailleurs, pour tous les belligérants sur le terrain, de pertes humaines abominables. M. Biden évitait ainsi quand même au moins l’apparence d’une guerre occidentale contre la Russie donc les risques d’une escalade mondiale. Mais maintenant qu’il est en fin de pouvoir, ses conseillers sans scrupule – ceux sans doute déjà qui avaient suggéré, par l’intermédiaire de M. Boris Johnson au tout début de l’invasion russe, d’interdire à M. Zelensky de signer l’accord de paix prévu avec la Russie, sous la promesse d’une aide « indéfectible » – ses conseillers sans scrupule le poussent à empêcher M. Trump de mettre éventuellement fin à cette guerre horrible par peur qu’il n’en tire gloire.

N’importe quoi, à n’importe quel prix, pourvu que son rival ne risque pas d’avoir un point positif à son bilan !

Et que vont dire et faire les pays européens ? Se montrer de bons petits suiveurs ignares et inconscients donc va-t-en guerre, comme  jusqu’à présent, Mme von der Leyen en tête ? Et M. Zelensky ? Il sait que, jusqu’à présent toujours, malgré le courage de ses maigres troupes et les livraisons d’armes, il a perdu la guerre. Mais va-t-il prendre le risque d’un sursaut meurtrier à cause de la décision de M. Biden ?

La Suisse, mon pays, malheureusement gangrenée par la peur du qu’en dira-t-on européen et américano-britannique, ne pourra que regarder passer les balles, inutile sur le plan international.

L’ignorance de l’histoire dont souffre un certain monde politique occidental sera-t-elle la cause d’un terrible malheur ? La violation de toutes les règles de la diplomatie s’achèvera-t-elle en une boucherie ?

Quoi qu’il en soit, c’est l’Europe qui finira par payer le prix de la campagne électorale américaine et de l’échec de M. Biden.

Le renvoi de l’ascenseur

Le grand cirque payant américain préélectoral va bientôt s’achever. Il semble qu’il a, cette année, coûté plus de milliards encore que d’habitude et que chacun des deux candidats a récolté plus de dons que jamais, en tous les cas largement plus qu’un milliard chacun.

Certains donateurs, dans un camp comme dans l’autre, sont extrêmement généreux en millions de dollars. C’est magnifique, mais il y a fort à parier qu’ils attendent un « retour sur investissement » au cas où leur « poulain » serait élu. Dès lors, le jeu c’est de deviner qui sera/seront  le/la /les bénéficiaire/s des retours d’ascenseur dus par le président ou la présidente.

Il se peut que les industries d’armements et celles qui exploitent les ressources nationales de gaz aient eu spécialement l’oreille de M. Biden depuis 2020 et espèrent conserver celle de Mme Harris, ce qui, évidemment, serait peu favorable à la fin des guerres soutenues  techniquement par l’Amérique, voire des sanctions exigées par elle de ses « alliés ».

Difficile toutefois de deviner qui bénéficierait de l’écoute bienveillante de Mme Harris si elle est élue. En revanche, on peut presque parier que M. Musk ne sera pas ignoré au cas où M. Trump sortirait des urnes ! Serait-ce là le secret de son engagement si total en faveur du candidat républicain ?

Assistera-t-on alors à une montée en puissance de Musk ce qui pourrait être un sérieux obstacle au développement chinois dans le domaine du numérique et de l’IA ; voilà qui ne saurait déplaire à l’Oncle Sam mais ne garantirait pas une protection particulière de la liberté ni de l’indépendance des Européens.

Quand une campagne électorale devient avant tout une préoccupation financière, le gagnant est un débiteur aux mains liées.