« Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? … Celui qui fait ce que veut mon Père qui est dans les cieux est mon frère, ma sœur ou ma mère ».
Cette remarque apparemment très dure du Christ qui a l’air de renier sa propre famille et que l’on retrouve dans les trois synoptiques (Matthieu 12, 46-50 ; Marc 3, 31-35 ; Luc 8, 19-21) n’est-elle pas une mise en garde contre la tentation de fétichiser ou d’idolâtrer des êtres humains sous prétexte que l’on a un lien étroit, humain, terrestre, avec eux? Ce fétichisme, cette idolâtrie pourrait contribuer à détourner de la foi en le seul Dieu qui doit seul être adoré et aimé comme tel.
Nos trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’ islam, sont tombées dans le piège du fétichisme (ou de l’idolâtrie) en rapport notamment avec tout ce que nous qualifions de « Lieux, personnes ou choses saints» ; c’est la cause de terribles malheurs. Le Christ savait le mal horrible que ferait notre triple fétichisme, la haine, les martyrs et les guerres que cela déclencherait. Il nous a mis en garde contre toute tentation de considérer que certains humains, certains lieux, certaines choses étaient « élus », saints, mis à part, car Il savait bien que cette tentation dégénérerait toujours en recherche de pouvoir et de domination. Les pires guerres sont les guerres de religion où les belligérants veulent chacun récupérer pour soi Dieu donc un fétiche de Dieu.
Tout l’enseignement du Christ contient cette mise en garde contre le risque de « fétichiser » des lieux, des choses, des événements, des personnes donc de les mettre au-dessus de tout, d’en faire un prétexte de « bien réservé » par tous les moyens ou un droit inaliénable. Et même quand le Christ a cette parole que nous trouvons parfois si « cruelle » à l’égard de ceux qui veulent Le suivre mais souhaitent d’abord enterrer un père : « Laisse les morts enterrer leurs morts » (Mattieu 8, v. 22 ; Luc 9, v. 60) , ne nous met-Il pas en garde contre le risque de fétichiser la mort et les rites qui l’entourent et d’en négliger les vivants et Dieu Lui-même, seule Source de toute vie ?
Mais attention, la mise en garde contre le fétichisme et l’idolâtrie ne signifie ni droit de mépriser, ni droit de détruire, ni droit de s’approprier le bien que d’autres considèrent comme sacré c’est simplement le développement des deux premiers commandements « Tu n’adoreras pas d’autres dieux que moi ; tu ne te fabriqueras aucune idole » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; la mise en garde est très utile car chaque religion a tendance à fétichiser choses, lieux ou personnes sans trop craindre, généralement, de faire souffrir les autres pour défendre ses idoles au nom du Bien.
Nos trois religions monothéistes – et nous-mêmes, évidemment – pourront-elles un jour se libérer de leur fétichisme religieux ?