CPI: condamner un chef d’Etat en fonction?

La CPI vient de lancer un mandat d’arrêt contre M. Netanyahou pour crime contre l’humanité. A quoi cela peut-il servir ?

Si cela oblige  tout Etat reconnaissant la juridiction de cette Cour internationale à arrêter M. Netanyahou sur son territoire pendant son mandat politique, c’est évidemment totalement absurde:  cela équivaudrait à empêcher ces Etats d’accueillir jamais des pourparlers de paix crédibles. En effet, aucune démarche de paix sérieuse ne peut avoir lieu sans invitation de tous les protagonistes – or on voit mal un participant se rendre dans un Etat où il sait qu’il sera immédiatement arrêté!!! – mais d’autre part, si un Etat signataire du CPI refuse d’exécuter la condamnation, il viole un Traité.

Certes, la Suisse, à cause de sa neutralité, ne peut pas exécuter la condamnation du CPI contre un chef d’Etat en fonction. Ce serait d’ailleurs dénier aux citoyens qui l’ont élu le droit de choisir leur chef politique. Or si ce chef d’Etat, si insupportable et antipathique puisse-t-il être, a été élu démocratiquement dans son pays, on ne voit pas de quel droit un Etat étranger pourrait désavouer officiellement les électeurs de cet Etat. Le problème est d’ailleurs le même en ce qui concerne le mandat contre M. Poutine, même si les élections en Russie ne sont guère démocratiques, parce que ce chef d’Etat est le seul qui peut représenter et engager son pays.

Entendons-nous bien ! La question ici n’est pas celle du bien-fondé ou non de la condamnation pour crime de guerre et crime contre l’humanité, il s’agit de poser deux questions ?

  • A quoi sert un mandat d’arrêt contre un chef d’Etat en fonction si cela exclut toute chance pour les Etats respectueux de la juridiction de la CPI de contribuer valablement à la paix ?
  • A-t-on le droit de décider d’arrêter dans un pays un chef d’Etat élu – parfois même démocratiquement – dans un autre Etat ? L’élection n’est pas la garantie de la qualité d’un élu, mais si chacun se mêle de décider du bien-fondé ou non d’une élection dans un autre Etat, quand il s’agit de relations internationales, il n’y a plus de relations internationales possibles.

Il va de soi que ces réflexions ne valent que pour un chef d’Etat en fonction. Sitôt son mandat terminé, son immunité disparaît.

29 réponses à “CPI: condamner un chef d’Etat en fonction?”

  1. La plus grande hypocrisie, c’est que la CPI n’est là que pour juger les divers « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ».
    Comme s’il y avait des guerres menées sans crimes?
    Ou des crimes qui ne seraient pas contre l’humanité?
    On a même inventé les concepts de « guerre contre le terrorisme » ou « d’opération militaire spéciale » pour noyer le poisson. Or la guerre est en soi une forme de terrorisme, de prise en otage des populations – toujours avec beaucoup de mensonges et de propagandes.
    D’autre part, comme on le voit dans son histoire, seul les responsables d’états faibles ou discrédités sont jugés et condamnés par la CPI après des échecs militaires, lorsqu’ils sont trop isolés.
    Tout cela reste et restera entaché de géopolitique et de rapports de forces. Cela porte même un symbole inquiétant quant à la justice à tout niveau. Pour que la justice fonctionne, il faudrait que la voix des petits puisse être entendu aussi bien que celle des plus puissants, ce qui ne semble pas vraiment le cas.

  2. Madame,
    Vos deux questions sont effectivement fondamentales ! Cette décision de la CPI ne contribuent en effet en rien à promouvoir la paix, car non applicables pratiquement dans le cadre des relations internationales.

  3. Il semble que, dans la décision de lancer un mandat d’arrêt international, la CPI ne se préoccupe guère de savoir « à quoi cela peut-il servir ». On peut supposer que, comme toutes les instances pénales, la CPI applique des règles prédéfinies abstraitement, sans se soucier des conséquences pratiques. Ou alors, dans le cas en question, cela sert peut-être à « donner un signal »: j’ai entendu un spécialiste expliquer que pour la première fois, un tel mandat d’arrêt concernait une personnalité du clan occidental; et que cela était une source de grande satisfaction pour les peuples du sud qui jusqu’alors avaient l’impression d’être les seules cibles de la CPI. Je ne suis pas loin de penser que ce genre de calcul géopolitique constitue la véritable utilité de ce mandat.

  4. Encore une fois, c’est en effet le droit qui doit prévaloir sur la morale. A ce titre, il n’appartient guère davantage à l’opinion étrangère de décrêter si une élection dans un pays tiers est légitime ou non !

  5. Sur le fond, vous avez sans doute raison. Toutefois, je pense que la Cour internationale donne un très bon signal. Cela prouve que même Monsieur Netanyahou ne bénéficie plus systématiquement d’un traitement de faveur. Visiblement, cela semble le contrarier ce qui est une très bonne chose. Vivement que Gaza ne soit plus un territoire verrouillé et que l’on puisse envoyer des observateurs indépendants afin de faire le bilan exhaustif des victimes.

    1. Ce serait un bon signal, si cela facilitait la fin de cette horrible guerre.
      Mais si cela pousse le PM israélien à devenir toujours plus isolé et extrême dans sa politique, je ne crois pas que cela aboutisse à quelque chose de bon (ni pour Israël, ni pour les Libanais ou les Palestiniens).
      Comme Madame Sandoz, je préférerais que soient ménagées de portes de sortie pour les diverses parties, qui permettent de diminuer la confrontation – avec des négociations réelles (et pas du cinéma où chacun essaie de se faire passer pour une colombe de la paix).
      Trop de civils innocents meurent, trop de jeunes soldats (d’ailleurs, les chiffres réels sont sans doute sous-estimés).
      La région est une poudrière, où sont les signaux extérieurs concrets et forts pour une désescalade?

  6. Merci Professeure pour cette prise de position.
    Personnellement, ce qui me dérange énormément, c’est que Karim KHAN n’est pas très clean au sein de cette CPI (ou IStGH). Loin de là. Il semble aussi qu’il ait un comportement assez déviant avec ses collaborateurs(trices). Dort-il sur ses deux oreilles ?
    « Etiam capillus unus habet umbram suam ».
    PS: si quelqu’un a des articles sérieux en français à ce sujet, je suis preneuse. Merci. eab

    1. Il y a son comportement, mais, ne pas oublier les pressions faites sur les membres de la CPI afin d’occulter cette affaire de viol

  7. Qui a le droit, qui a le droit … 🎵🎶

    ttps://www.swissinfo.ch/fre/affaires-etrangeres/le-nouvel-élan-de-la-compétence-universelle-expliqué-en-six-points/84938762

  8. Je voulais ajouter à mon commentaire que la condamnation de la Cour internationale contre Monsieur Netanyahou a peut-être influencé ce dernier à accepter le cessez-le-feu à l’encontre du Liban.

    1. @Chantal: Penser cela, c’est très mal connaître le peuple d’Israël.
      Pour ma part, je me réjouis de pouvoir bientôt à nouveau voyager au Moyen-Orient, Liban y compris.

    2. A titre personnel, je ne crois pas que ce soit la CPI qui ait joué ce rôle.
      Je crois plutôt que c’est la position sur le nucléaire de l’Iran qui est au centre du jeu.
      https://www.rts.ch/info/monde/2024/article/l-iran-annonce-de-nouvelles-centrifugeuses-avancees-suite-aux-remontrances-de-l-aiea-28703359.html
      Ce cessez-le-feu est une manière subtile de proposer à l’Iran à ne pas accéder à la bombe, en relâchant la pression sur le Hezbollah. Je suppose que les USA et la France ont fortement poussé Israël à ce compromis.
      C’est un jeu tactique des occidentaux, mais il n’est pas très sincère. Et si aucun accord n’est envisagé avec Téhéran, rien ne dit que l’Iran poursuive ce jeu de poker menteur, surtout avec la perspective du retour de Trump aux affaires dans 60 jours. L’Iran ne va pas signer un chèque en blanc, il va exiger des contre-parties.
      Bref, Israël se retrouve très affaibli.
      C’est exactement ce que j’avais annoncé.
      Le Hezbollah est certes en ruine, mais Israël se retrouve complètement marginalisé, avec une situation intérieure explosive.
      Alors certes, tous attendent Trump pour redresser la situation… c’est une illusion.
      Israël a perdu une bonne partie de son crédit au Moyen-Orient.

      1. @Samy. Vous êtes très sage.
        En vous lisant, je repensais à Omar Khayyâm: « Aujourd’hui, sur demain tu ne peux avoir prise ». Et c’est tellement vrai. Auteur dont je possède un très, vraiment très ancien livre, à l’époque relié en cuir !.
        Et puisque nous sommes en plein « Moyen Orient », j’aimerais citer Kalil Gibran (dont j’ai visité la maison à Bcharré): « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit ».
        Après tous ces évènements tristes, trop tristes, j’ai hâte d’une aube meilleure, si ce n’est pas pour moi pour ma descendance, notre descendance à toutes et tous. eab

  9. 45’000 morts dans une guerre, on a jamais vu si peu de morts dans une guerre qui dure depuis de 14 mois, en Ukraine le million a été largement dépassé et pas un traitre mot. Côté ONU, une employée de ce machin a été virée parce qu’elle refuse d’accuser Israël de génocide. Concernant cette CPI, pardon, mais son bilan n’est pas très brillant, elle a détenu l’ex-président Gbagbo pendant 10 ans, pour finir par un non lieu alors que tout le monde savait que ce sont ses soutiens qui avaient été victimes de massacres, de plus sur qui ou quoi repose cette institution internationale, pour qui travaille t’elle ?
    Attendons encore quelques semaines, si Biden ne fait comme pas comme un autre démocrate (Harry Truman) d’ici le 20 janvier, que la future administration règle définitivement le compte de cette mascarade pro-terroriste.

  10. Je serais curieuse de savoir comment vous évaluez le nombre de morts entre les soldats russes et ukrainiens. Quoi qu’il en soit, il y en a beaucoup trop. Quant au conflit au Proche Orient, de nombreux médecins ont témoigné que l’on ne peut tout de même pas qualifier de menteurs. Selon leurs témoignages, la majorité des victimes sont des civils, femmes et enfants inclus. Encore une fois, un bilan sera obligatoirement fait lorsque ces guerres seront enfin terminées.

    1. Et vous, vous semblez pouvoir le faire en vous basant sur les déclarations d’un mouvement terroriste, il ne vous parait pas étrange que le hamas avait déclaré qu’il sur comptait environ 45’000 hommes armés le 8 0ctobre 2023 et qu’aujourd’hui, il ne reste que quelques milliers ?
      Comme si Israel ne prenait pas toutes les précautions pour éviter le maximum de faire des victimes civiles, c’est la raison pour laquelle l’armée israélienne va se battre sur le terrain, que des centaines de soldats sont tombés, qu’Israel est le pays le plus avancé technologiquement dans les interceptions de missiles au monde, justement afin de ne pas avoir à bombarder systématiquement, que l’armée israélienne est la seule armée au monde à avertir avant chaque bombardement ou tir d’obus lorsqu’ils n’ont pas d’autre choix, qu’ils ont opérés des milliers de tirs ciblés avec une précision jamais observée dans les guerres modernes. Alors, ce refrain sur les femmes et les enfants, hormis les femmes et enfants enchainés de force sur les cites d’où le hamas vient de tirer des missiles, ne tient absolument pas, sans oublier que le hamas, lui, ne vise que les populations israéliennes et que les hamas a tiré plus de 17’000 missiles depuis le 7 octobre, que depuis 2007, le hamas a tiré près de 85’000 missiles sur Israel, d’où ce constat que les missiles israéliens servent à protéger les civils israéliens alors que les civiles gazaouis servent à protéger les missiles du hamas.

      1. @JEAN-CLAUDE AESCHBACH
        Je ne vais pas écrire un roman suite à vos commentaires. Je vous dis simplement qu’en ce qui concerne les deux guerres qui nous occupent beaucoup en ce moment et je suis bien consciente qu’il y en a d’autres dont on ne parle pas suffisamment, il faudra bien que des observateurs totalement indépendants fassent au plus près de leur conscience, le bilan des victimes de part et d’autre.

  11. Il faut comprendre que la puissance de feu israélienne peut raser un territoire de la taille de Gaza en quelques jours, cela uniquement avec des munitions conventionnelles et sans parler de la puissance nucléaire israélienne.
    Que parmi les munitions conventionnelles et autorisées par la convention de Genève, il existe des bombes faites pour enflammer une zone, avec une technologie fonctionnant en explosant, puis profitant du vide, une deuxième particularité de ces bombes consiste après l’explosion initiale utilise le vide d’air provoqué pour remplir ce vide avec des produits hautement inflammables, puis une deuxième combustion qui enflamme ladite zone, ce type de bombe autorisée par la convention de Genève, aurait fait des centaines de milliers de victimes sur une configuration comme celle de Gaza, ce type de bombes ont été utilisées des centaines de fois en Irak, au Soudan, en Yougoslavie, contre les serbes et bien sûr, au Vietnam par les américains et aussi par les vietcongs, en Afghanistan et en Tchétchénie par les russes, cela sans parler des fameuses bombes au napalm, également autorisées par la convention de Genève. Israel n’a jamais utilisé ce type de munition, au contraire, Le Hamas a développé des bombes avec des explosifs appelés « secs », c’est à dire, qu’il sont utilisés pour des résultats extrêmement ciblés, cela afin d’éviter un maximum de faire des victimes collatérales, par contre la totalité des missiles sont conçues avec des explosifs contenant des « sharpnels », c’est à dire, avec des charges projetant des morceaux métalliques mélangés avec la partie explosive, ces derniers, destinés à faire le plus de victimes possibles et dans un rayon le plus grand possible.
    Donc, svp, il faut arrêter des propagandes douteuses et mensongères, ça aussi, ça fait beaucoup de victimes, certainement plus que les armes israéliennes.

    1. Correction, « Le Hamas a développé des bombes avec des explosifs appelés « secs », « , il ne s’agit pas du Hamas dans ce paragraphe, mais de Tsahal

    2. Correction ; « par contre la totalité des missiles sont conçues avec des explosifs contenant des « sharpnels », c’est à dire, avec des charges projetant des morceaux métalliques mélangés avec la partie explosive » là il s’agit des munitions du hamas

  12. Il y a également ce mythe qu’Israel, affame la population, il faut savoir que depuis le 8 octobre, les habitants de Gaza reçu de manière quotidienne une moyenne de 3’000 par jours, en Europe, la consommation moyenne quotidienne est de 2’400 calories.

    1. Merci M. Aeschbach de nous donner des informations que l’on ne trouve habituellement pas, ou seulement de manière biaisée, dans nos médias romands, presque toujours à charge contre Israël.
      Cependant, enfin ces étonnantes et rares exceptions dans l’émission Forum de la RTS :
      ce jeudi 28, la parole est donnée à Mohamed Sifaoui, journaliste, écrivain avec son dernier livre « Hamas : Plongée au coeur du groupe terroriste » et hier mercredi 27, c’est le journaliste israélien d’origine suisse Stephane Juffa, qui est interrogé depuis Metula, au nord d’Israël.

        1. @J.-C. Aeschbach: Je suis bien d’accord avec vous. Il faut presque un « décodeur » pour comprendre les messages des uns et des autres. La méfiance la plus grande est de mise envers tous les « médias officiels » qui concernent le Moyen-Orient.
          Et pour ma part, aucun des « partis » en guerre n’a jamais été tout blanc ou tout noir. Il y a des très subtiles nuances et ces nuances sont incompréhensibles en Occident.
          Les infos financées par nos deniers (Serafe) orchestrent un lavage de cerveau.

          Déjà rien que comprendre toutes les zones libanaises, avec tous les courants religieux c’est très, vraiment très compliqué. C’est comme si sur la distance de Lausanne à Nyon, vous aviez plusieurs géographiques religieuses, donc des divergences fondamentales avec des frontières invisibles mais très réelles. Et le niveau de développement est très, très variable selon la zone.
          Exemple : A Jbeil (Byblos) c’est en majorité maronite. Mais il suffit de descendre dans la vallée un peu au Sud, avant Beyrouth, pour être déjà dans un autre courant. Beyrouth est divisée Nord-Sud (changement radical chrétienté-Islam). Sidon est plutôt sunnite, et à peine plus bas, Tyr est chiite (comme Tripoli tout au Nord à la frontière avec la Syrie).
          Au plaisir de vous lire. eab
          PS: il y a quelques années, j’ai insisté pour voir moi-même la zone frontière Sud-Liban / Israël, avec tous les dispositifs disons de « contrôle ». NB: je ne voyage pas en « groupe touristique ».

  13. La CPI est maintenant dominée par les pays membres de l’OCI qui ne cachent pas leur hostilité envers Israël. Ils forment un bloc supérieur en nombre à celui des démocraties occidentales. Ceci explique cela.

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