L’art difficile de se taire en public

Plusieurs anciens conseillers fédéraux avaient jugé nécessaire de s’exprimer publiquement au sujet de l’initiative populaire relative à la 13e rente AVS. Pour quelle raison ?
Ils ont certes, chacun, le droit d’avoir une opinion et ils sont, chacun, un citoyen à 100 %, mais était-ce élégant, voire correct, de prendre une position publique, celle-ci fût-elle analogue à celle de leurs collègues en fonction ? Quand on ne peut pas échapper à son titre officiel (ici, d’ancien membre du Collège fédéral) on ne peut pas prendre une position publique où précisément ce titre joue un rôle.
Et si, à une autre occasion, ces mêmes anciens conseillers fédéraux sont en désaccord avec la position du Collège exécutif en fonction, leur simple refus ou silence donnera lieu à des exégèses variées, à des interprétations fantaisistes ou à des spéculations trompeuses ou erronées.
Une fois de plus, la discrétion – si peu conciliable avec la notoriété – aurait été une qualité : « servir et disparaître ».

Cette attitude de quelques « anciens » met en évidence une grosse faute politique que je ne cesserai jamais de dénoncer : le fait que le Conseil fédéral continue à vouloir engager l’un ou l’autre de ses membres dans la campagne précédant une votation fédérale, oubliant que ce n’est que la décision du Parlement, éventuellement celle du peuple, qui est sujette au vote, jamais directement celle du Conseil fédéral. Lui, le Conseil fédéral, il devra tirer les conséquences de la décision populaire finale et, éventuellement, la mettre en pratique. Point final.
Il n’est jamais favorable à la confiance en l’Exécutif que le peuple se sache en désaccord flagrant avec cet Exécutif, à cause du résultat du vote. Le désaccord avec le Parlement n’est pas grave, car le Parlement n’exerce pas le pouvoir, il assure (plus ou moins bien) la représentation populaire. Quand la majorité du Parlement est désavouée, après un vote, c’est l’Exécutif qui en subit les conséquences. C’est la règle du jeu dans une démocratie comme la nôtre. C’est bien là l’exceptionnelle difficulté de notre système constitutionnel, qui échappe totalement aux Etats européens et à la vanité de certains membres ou anciens membres d’exécutifs et qui déplaît à la Presse, avide toujours de personnes de pouvoir à encenser ou assassiner.

Cette fois, ce sont les auteurs de l’initiative pour une 13e rente AVS qui ont gagné. Les opposants, comité d’opposition, majorité parlementaire, ont perdu. Le Conseil fédéral, lui, devra proposer au Parlement la manière de mettre en œuvre le texte voté et d’assurer le financement de l’AVS tout en tenant compte de l’état des finances publiques. Et si la solution proposée par le Conseil fédéral n’agrée pas au Parlement et que celui-ci en vote une différente, ou même si la solution du Conseil fédéral est acceptée par le Parlement, le peuple pourra toujours lancer un referendum et le Conseil fédéral puis le Parlement devront, éventuellement, remettre l’ouvrage sur le métier. Pourquoi le Conseil fédéral perdrait-il du temps à défendre les décisions du Parlement – éventuellement contre la volonté populaire – pendant la Campagne référendaire ?

14 réponses à “L’art difficile de se taire en public”

  1. Madame Sandoz, Suzette pour ceux qui apprécie particulièrement votre prénom avenant, vous écrivez : « Quand la majorité du Parlement est désavouée, après un vote, c’est l’Exécutif qui en subit les conséquences. ».

    Je n’ai pas d’exemple en tête et je ne vais me tirailler les méninges pour den dégoter un, mais il me semble que pas mal résultats largement plébiscités par des votations suite à des initiatives ou référendum ont finis en eau de boudin. Mais je vous l’accorde sans jamais y avoir trouvé matière à revendication, ces sortes d’annonces rédigées en verlan, de plus, vous incitant à voter OUI pour dire non, m’ont toujours parues insolites et truculentes. Pour un pays qui sponsorise autant le principe de neutralité, il y a lieu de ne pas admettre qu’en son coeur, elle puisse faire éventail d’autant de partialité. Mais pour une fois que le vote est en faveur d’une augmentation des prestations sociales, ce qui reste malgré tout assez rare en Suisse, bénissons ce moment et n’oublions par que 14% de la population retraitée suisse vit au dessous du seuil de pauvreté.

  2. Votre analyse est comme toujours très pertinente. La prise de position des anciens conseillers fédéraux s’est avérée contre-productive. Je pense même qu’elle a contribué dans une certaine mesure aux résultats sans appel de la votation de ce dimanche. Ils ont tiré là un magnifique autogoal.

    1. La lettre envoyée par des anciens conseillers fédéraux appelant à voter non à une 13ème rente AVS s’est donc vue vertement critiquée par la gauche et les médias.
      Curieusement, le soutien assumé à cette 13ème rente par une ancienne conseillère fédérale socialiste sur une radio publique à grande diffusion (Forum de la RTS), n’a pas suscité de commentaires négatifs de la part de ces mêmes journalistes du média public. Deux poids, deux mesures !

      1. @Pierre-Alain Tissot
        Vous avez raison sur un point. En effet, aucun ancien conseiller fédéral ne devrait s’exprimer sur une votation même lors d’une émission sur une radio publique. Cependant, ce n’est pas du tout la même chose d’envoyer un courrier groupé à la population, donc d’investir pas mal d’argent pour ce faire que d’exprimer oralement son point de vue. En outre, ce qui a choqué pas mal de monde, c’est la rente substantielle que touchent les anciens conseillers fédéraux quand bien même, ils auraient exercé leur fonction que quelques années.

  3. En effet, aujourd’hui l’ego et le culte de la personalité ont gangrené notre exécutif. La Suisse a changé. C’est comme ça. . .
    Heureusement, comme vous le dites, par bonheur le pouvoir reste au peuple. Pour ma part j’ai voté contre une 13ème rente en fin d’année parce que c’est chaque mois que se fait sentir le besoin d’une meilleure rente face é la réduction du pouvoir d’achat. La mesure adoptée doit coûter Frs 14 milliards. Ne serait-il pas préférable en lieu et place d’indexer les rentes proportionnellement sur l’indice du coût de la vie et de favoriser ainsi l’achat du panier de la ménagère pluôt que les cadeaux de Noël ? Ne serait-ce pas préférable pour les finances fédérales d’étaler ce même coût sur 12 mois ? Heureusement le peuple et, peut-être, les ménagères peuvent encore changer d’avis et faire entendre leur voix !

    1. Cher Monsieur,
      Vous abordez un des points troublants de cette dernière votation: à cause du titre, peu de personnes avaient lu le texte, or celui-ci dit clairement: »Les bénéficiaires ont droit à un supplément annuel s’élevant à un douzième de leur rente annuelle ». Cela signifie qu’il faudra choisir comment verser ce 12e : mensuellement, trimestriellement? semestriellement?, à Noël? Et cela n’a pas fait l’objet de discussion.
      Comme vous, je trouverais un 13e mois plutôt stupide. C’est chaque mois que le problème de « la fin de mois » se fait sentir.
      Je suis très fâchée du titre.

      1. Un 13ème mois offre plusieurs avantages à l’Etat: en période d’inflation, vous économisez des d’intérêts élevés. On peut les estimer entre 20-30 mio annuel.

        D’autre part, en cas de décès, il est fort probable qu’il n’y ait pas de versement rétroactif pro-rata temporis aux héritiers (contrairement à un 13ème salaire). Donc, tout décès avant fin décembre ne donnera pas droit à une 13ème rente sur l’année !

        Alors, avec un versement annuel, vous allez faire pas mal d’économie en décalant d’un an le versement par rapport à l’espérance de vie. ça fera environ 1,6 mio de 13ème rente économisées soit env. 210 mio par an.

        Voilà, je viens de trouver presque 10 % du financement de cette 13ème rente.

        🙂

        Le diable est toujours dans les détails.

      2. Merci chère Madame,
        Je voudrais ajouter une réflexion. L’AVS en suisse est une assurance. Comme toute assurance elle est financée par ses assurés, soit par leurs cotisations. Est-ce que nos autorités ne sont pas en train de transformer notre Assurance vieillesse et Survivants en Sécurité Sociale à la française ?

      3. La 13e rente ne peut pas être considérée comme une compensation du renchérissement, même si elle a été justifiée ainsi: c’est en fait une augmentation strictement égale 8,5% des rentes. Mais l’inflation cumulée au fil des ans n’a pas de limite. Si la BNS la maintient à 2% par an, l’avantage de la 13e rente sera entièrement absorbé en à peine plus de 4 ans. Il n’en reste pas moins qu’une 13e rente a autant sa raison d’être qu’un 13e salaire; lequel n’est certes pas obligatoire, mais néanmoins considéré comme légitime par la très grande majorité des travailleurs. Et généralement versé en une seule fois.

        1. « Une 13e rente a autant de raison d être qu’ un 13e salaire ». C est ce que je me disais à moi-même ( n étant pas compétente en la matière je me suis contentée de me parler à moi-même lors de cette campagne de vote, ne voulant pas passer pour une sotte) Alors puisque je vous lis, ça me rassure…Ainsi , je pensais que puisque le 13e salaire est considéré comme un autre mois de l’année ( mêmes prélèvements) c est en fait comme si l année comportait 13 mois, non? Donc 13 mois de salaire = 13 mois de rente.. c peut-être moins simple que ça mais alors on doit m expliquer..

  4. Quand un ancien président de la Confédération parle de la gestion du Covid en parlant d’hystérie collective, les médias s’offusquent et le critiquent sévèrement: devoir de réserve, complotisme, incompétence, etc.

    Quand plusieurs ex-CF, qui de plus profitent d’une retraite confortable, prétendent qu’on ne peut pas se permettre de donner un coup de pouce aux rentes, très peu de médias « mainstream » s’offusquent. Bien au contraire, ils leur donnent la parole en louant leur expertise dans le domaine…

    Ce qui est arrivé, c’est le principe de l’arroseur-arrosé: les électeurs ont bien compris que ces ex-CF auraient dû se taire d’autant plus qu’ils bénéficient de rentes élevées.

    Le même principe de l’arroseur-arrosé a achevé de sceller le sort de cet votation. Il fût un temps où le citoyen comprenait que l’on ne peut pas dépenser l’argent que l’on a pas. Le peuple votait donc sagement.

    Mais, durant ces dernières années, 40 milliards ont été trouvés pour gérer le Covid puis le CF a trouvé plein de milliards pour divers problèmes: Europe, aide à l’Ukraine, réfugiés, armée, secours aux banques, transition climatique, etc.

    Or, si le budget ne permet pas de tout s’offrir, il faut alors choisir et mettre des priorités. En démocratie, ce choix devrait revenir au peuple.

    Alors le bon peuple en a conclu que trouver des milliards, c’est facile et que nous n’avions pas à faire de choix !

    Et, vu le nombre de mensonges qui ont été utilisés pour faire passer des absurdités, ce n’est certainement pas le dernière fois que cette technique va se retourner contre l’executif sur divers sujets.

    1. Dans le domaine « économique », le modèle américain est à l’opposé des divers modèles européens et suisse en ce qui concerne les caisses de pension ou autres systèmes de retraites. En effet, ces montants énormes sont gérés par des groupes financiers privés dans un cas et sont sous contrôle des états dans l’autre cas. Coté américain, après avoir anéanti une grande partie du patrimoine industriel européen, notamment en le délocalisant vers l’Asie, cela en prenant des parts/actions dans ces industries, cela avec l’argent des épargnants (caisses de retraites) américaines, et obligeant les actionnaires minoritaires de ces sociétés de déplacer les lieux de production, afin d’augmenter les marges bénéficiaires et les dividendes des actionnaires. Le pari était serré à la base, mais la complicité des politiques locaux aidant, ces géants de la finance américaines ont pu facilement triplés leurs investissement durant les 30 dernières années.
      Maintenant, que la base de cette pyramide de Ponzi s’effondre, ces groupes veulent ratiboiser les derniers restes des réserves européennes et cela, par une sorte d’acquisition des caisses de retraites européennes, c’est à dire, les derniers actifs encore présents dans nos économies, c’est à dire nos fonds de pensions. Enfin ce qu’il en reste, car nos technocrates de service ont passablement joués à la roulette, notamment avec les subprimes en 2008, des personnages comme Macron essayent de tous leurs pouvoir de déplacer ces capitaux vers des sociétés comme Blackrock et Cie, toucher une énorme commission sur un compte dans un paradis fiscal et disparaître.

  5. Il y a un truc qui me titille, est-ce que ces votes sont réellement recevables ?
    Depuis les dernières découvertes inventées en matière de genres, nous avons reçus des résultats que nous pouvons distinguer entre le genre féminin et masculin, donc, il y a eu xx votes féminins et xx votes masculins, mais ça ne joue pas, dès lors que la nouvelle idéologie instaurée, notamment dans nos chères universités et chancelleries reconnaissent qu’il pourrait y avoir des genres qui échappent à la nature telle que nous l’avons toujours vue comme telle. Où sont les votes des non-genrés etc. etc. ?

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