L’attaque d’Israël par le Hamas est atroce, mais la réaction d’Israël l’est aussi et l’on ne peut être indifférent aux actes destructeurs annoncés et déjà accomplis de part et d’autre, qui vont rivaliser de cruauté. Les images sont insoutenables et le sort des Gazaouis au moins aussi peu enviable que celui des Israélites.
L’homme de la rue aime bien se mettre la conscience à l’aise en jetant l’anathème aux attaquants et se donner des airs de dame patronnesse en condamnant l’agresseur, notamment en l’injuriant (ce qui ne lui fait courir aucun danger particulier !). Mais les autorités politiques devraient résister à cette manière facile de se parer d’une virginité morale : leur rôle est d’essayer de favoriser la recherche de la fin des hostilités, donc de la paix. Or Il est évidemment impossible de prétendre réunir ceux que l’on a insultés, traités, par exemple « d’animaux » comme vient de le faire le gouvernement israélien dans une déclaration officielle citée par l’émission française « c’est dans l’air », mais pas par la RTS. (Citation : « nous luttons contre des animaux ! »).
Puisse notre Conseil fédéral ne pas céder à la tentation de crier avec les saintes nitouches comme il l’a fait après l’attaque de la Russie, hypothéquant toute chance de pouvoir une fois aider à des démarches de paix !.
Des voix s’élèvent, notamment au Parlement, qui voudraient que la Suisse traite comme le font d’autres gouvernements, le Hamas de « groupe terroriste », donc de refuser de lui parler, hypothéquant ainsi toute possibilité de se mettre à la disposition de tous les belligérants pour essayer de limiter les massacres, les tortures, les horreurs annoncées par chacun d’eux.
Le seul rôle vraiment utile, en politique étrangère, de la Suisse c’est, comme pays neutre, de rester toujours disponible et crédible pour jeter des ponts de paix. Cela implique une force morale exceptionnelle car il est beaucoup plus facile de procéder à une condamnation moralisatrice et de se fondre ainsi dans le magma des pays « à bonne conscience » que de résister à cette tentation au risque de se faire traiter d’hypocrite et de lâche. La retenue verbale, voire active par rapport à des sanctions ou des représailles, permet d’offrir toujours un lieu d’accueil où tous les protagonistes savent qu’ils pourront venir essayer de s’entendre sans arrière-pensée ni méfiance à l’égard de l’accueillant. La première responsabilité d’un pays neutre, c’est l’humilité. C’est une attitude difficile à comprendre en particulier de nos jours où la mode est aux insultes libératoires des vindictes populaires attisées par des réseaux sociaux narcissiques. La violence s’en nourrit. Il est urgent de redevenir courageux pour le service de la paix.