Présentant la « crise » de l’OMS, le journal Le Temps du 20 mai 2025 (p. 5) cite, en rouge, une phrase de M. Michel Kazatchkine, conseiller spécial de l’ONU sur le Sida, qui dit ceci : « L’agence onusienne doit mettre l’accent sur la qualité de la science, qui est battue en brèche par les réseaux sociaux ».
« La qualité de la science »
Fort bien, mais de quelle science s’agit-il ? De la science humaine ou de la science dite dure ou exacte ?
Toute science implique la connaissance de règles, mais ces règles n’ont pas la même portée quand il s’agit d’une science humaine ou d’une science dure.
Une science humaine comporte des règles générales de portée relative dont l’application doit être constamment interprétée et adaptée à l’infinie diversité des êtres humains, chacun étant unique. Une science dure s’occupe de règles dont la nature absolue ne peut être contestée que par une autre règle elle aussi absolue.
Les deux démarches scientifiques ne sont pas les mêmes.
Une science humaine ne progresse que par l’étude infatigable de l’être humain, chacun ayant son individualité propre, susceptible de réagir différemment par rapport à une loi élaborée par les sciences humaines ; ceci implique une utilisation extrêmement précautionneuse des règles façonnées par les hommes et l’impossibilité de découvrir une ou des règles applicables donc imposables une fois pour toutes à toute l’humanité.
Dans les sciences dites « dures », c’est le débat technique constant qui permettra de découvrir une nouvelle ou une autre règle absolue complétant ou renversant une règle connue dite absolue.
La santé est une science humaine
La santé n’est pas une science exacte. Certes, il y a des règles générales, mais il n’y a pas de règle absolue, d’où la nécessité, par exemple, de favoriser toujours le contact personnel entre le médecin et son patient, de tenir compte de l’environnement du patient, de ses antécédents, de ses besoins. L’ordinateur peut fournir des points de repère, il ne fournira jamais une réponse infaillible pour la personne concernée. Il ne peut donc pas y avoir de règle universelle absolue en matière de santé, il n’y a que des règles moyennes ou relatives adaptables éventuellement à chaque personne, au risque de causer, à défaut, plus de mal que de bien ou même simplement autant de mal que de bien. La dernière pandémie l’a largement montré. Les mesures à prendre varient selon de nombreux critères propres à chaque pays et, au sein de chaque pays, éventuellement à chaque région, voire à chaque groupe de population. Une organisation mondiale de la santé doit fournir des informations. Elle peut à la rigueur émettre des recommandations, des conseils ou suggestions mais à aucun moment des règles impératives, éventuellement universelles. La crise financière que traverse l’OMS puisse-t-elle offrir l’occasion d’adapter la fonction de cette organisation aux exigences de la science humaine qu’est la santé et de la soustraire à celles rigides et principalement financières des sciences dures élaborées ou concrétisées par ce que l’article du Temps cité plus haut appelle les « big techs ».