L’imposition individuelle des couples mariés est-elle une bonne chose?

 

Indépendamment de toute conception philosophique, morale, religieuse ou sociale du mariage, la question mérite d’être posée d’un simple point de vue pratique. Or la question pratique est la suivante :

Comment faire en sorte que les couples mariés ne soient pas imposés plus lourdement que les couples concubins ? Cette question n’est d’ailleurs que la réponse à une injonction du Tribunal fédéral : il faut assurer l’égalité fiscale entre ces deux sortes de couples. Or égalité fiscale implique  un « poids final fiscal égal » mais non pas forcément   un« procédé de calcul identique »

La logique la plus immédiate à première vue, serait de dire : eh bien ! imposons les époux séparément, c’est-à-dire traitons-les comme des célibataires.

Mais cette logique ne tient pas compte de deux éléments :

  • Les époux ont entre eux, de par la loi, des relations économiques différentes de celles qui existent entre les concubins : en particulier, un régime matrimonial qui n’est pas forcément la séparation de biens. Le régime dominant, légal, est celui de la participation aux acquêts qui confère à chacun des époux une très grande indépendance financière, mais consacre entre eux une communauté de bénéfices dont la dissociation est d’une complexité souvent exceptionnelle. Faudra-t-il liquider artificiellement le régime chaque année pour pouvoir établir une déclaration fiscale individuelle correcte ? C’est semble-t-il une des craintes des milieux agricoles (voir Le Temps du 26 juillet, p. 7 « en Bref ») et probablement aussi des milieux commençants où les propriétés et les revenus des époux sont souvent imbriqués.
  • Cette imposition individuelle serait une totale nouveauté; il faudrait faire deux déclarations d’impôts par couple au lieu d’une, ce qui entraînerait une augmentation d’environ 1 million 700 mille déclarations d’impôts chaque année selon le Message du Conseil fédéral. On voit d’ici la surcharge administrative, sans parler de la surcharge de travail préalable pour les contribuables eux-mêmes. Une pure et simple folie.

Le nouveau mode d’imposition s’imposerait aux Cantons comme à la Confédération :

Actuellement, les cantons ont, chacun, imaginé des méthodes un peu différentes pour assurer l’égalité fiscale entre couples mariés et non mariés. Le quotient familial du Canton de Vaud est un système excellent, qui pourrait encore être affiné probablement et chaque Canton peut, en tenant compte des particularités de sa population, imaginer des solutions bien adaptées au couple marié pour qu’il ne soit pas pénalisé par rapport à un couple de célibataires.

Quant à la Confédération, elle peut, elle aussi, améliorer son système, peut-être en s’inspirant d’une des méthodes cantonales qui lui conviendrait le mieux et sans recourir à une taxation séparée.

Une chose est certaine : le chambardement fiscal envisagé tant par l’initiative populaire constitutionnelle « Pour une imposition indépendante de l’état civil » que par le contre-projet indirect du Parlement, simple « loi fédérale sur l’imposition individuelle » méritent un NON décisif. Pour cela, il faut au préalable signer rapidement le referendum contre la loi fédérale afin qu’elle soit soumise au peuple si l’initiative est refusée.

 

Notre démocratie exige du travail, mais quel privilège que de pouvoir décider de sujets aussi importants !

 

 

 

 

Mais où en est-on de l’affaire Broulis ?

Il y a peu, à l’occasion des tensions au sein de la fraction vaudoise du parti « le Centre », 24 H ne manquait pas d’évoquer « l’affaire Dittli », en relation avec les problèmes fiscaux du canton.

Qu’on nous pardonne, les problèmes fiscaux du canton sont d’abord des problèmes Broulis, puisque c’est sous son règne que le Canton a vécu le psychodrame du bouclier fiscal.

En fait, il ne faudrait pas parler d’une affaire Broulis, mais plus précisément d’une affaire Broulis-Luisier-Gorrite-Maillard-Ruiz, puisque ces cinq conseillers d’Etat étaient en fonction pendant les quelques années où les erreurs sont restées non corrigées bien qu’elles fussent connues.

On se rappelle sans doute l’article du Temps révélant l’affaire et la réponse de Mme Luisier à une question relative au manque de réactivité du canton après la découverte des erreurs en 2016 ou 18 : « nous n’avions pas le temps, nous avions trop de soucis en rapport avec l’introduction de la taxation des entreprises internationales. »

Le Grand Conseil a, sauf erreur, demandé une enquête administrative. Puissions-nous être renseignés sur sa progression. Mme Dittli a eu le douloureux « privilège » de découvrir ces « squelettes » connus de ses collègues en fonction depuis plusieurs années et qui n’avaient pas hésité à lui « refiler les finances » dont Mme Luisier disait avoir envie mais ne pouvoir les assumer en même temps que la présidence du Conseil d’Etat. Les informations que des chefs de service refusaient de fournir à Mme Dittli concernaient-elles précisément ce domaine ? On espère que la discrétion qui succède au scandale de la conférence de presse/pilori convoquée pour « punir » Mme Dittli n’est pas définitive.

 

La diplomatie étranglée

 

Mercredi 2 juillet 2025, le journal le Temps publiait, en p. 5, une photographie de notre Présidente de la Confédération, Mme Karin Keller-Sutter, au côté de M. Macron, à l’Elysée, avec le grand titre « Regarder ensemble dans la même direction » et un texte mis en valeur en rouge, disant : « Emmanuel Macron s’est dit très en faveur d’une plateforme de négociation entre l’Ukraine et la Russie à Genève ».

Ils oubliaient probablement l’un et l’autre un fait d’une certaine importance : Le 17 mars 2023, la CPI (Cour pénale internationale) a délivré un mandat d’arrêt contre le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, pour crime de guerre de déportation illégale de population et de transport illégal de population, crimes ayant été commis à l’encontre d’enfants ukrainiens ».

La CPI a été créée par le traité dit du Statut de Rome.

Sur son site, notre DFAE rappelle qu’ « En ratifiant le Statut de Rome, un Etat partie s’engage à coopérer avec la Cour pénale et à reconnaître ses jugements »,  et qu’ « aucune immunité, pas même celle de chef d’Etat et de gouvernement ne peut constituer un obstacle aux poursuites pénales ».

 

La Suisse a ratifié le Statut de Rome. Elle doit donc arrêter M. Poutine dès qu’il met le pied sur son territoire, ce qui pourrait  le faire hésiter à venir, si confortables que soient nos hôtels et délicieuses nos fondues et raclettes arrosées d’un gouleyant vin blanc !

 

Cette situation gênante est la même pour tous les Etats européens. Ce n’est pas le cas pour les Etats-Unis qui n’ont évidemment pas ratifié le Statut de Rome, pas plus que la Chine, l’Egypte, Israël, la Russie, l’Ukraine, la Turquie, et quelques autres encore.

 

Certes, il existe une possibilité d’éviter l’exécution du mandat d’arrêt d’une personne jouissant d’une immunité. En effet, selon l’art. 98 al. 1er  du Statut de la CPI, « La Cour ne peut poursuivre l’exécution d’une demande de remise… qui contraindrait l’Etat requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d’immunité des Etats ou d’immunité diplomatique d’une personne ». Mais, vu l’art. 97 al. 1er du même Statut, la Suisse devrait consulter la Cour sans tarder pour régler la question.

En deux mots, personne ne sait si notre Pays a peut-être déjà pris toutes les mesures pour pouvoir assurer sa pleine immunité à M. Poutine dans l’hypothèse où il viendrait en Suisse pour rencontrer M. Zelenski, et il se peut fort que M. Poutine ait quelque réserve à ce sujet. Sans oublier que son égo doit souffrir.

En deux mots, il serait intéressant de savoir où en est le DFAE ou le Conseil fédéral comme tel quand il s’agit de concilier sa volonté de mettre notre Pays à disposition pour essayer de faire avancer des pourparlers de paix et son obligation d’arrêter M. Poutine s’il venait en Suisse précisément pour parler de paix ! On relèvera que la situation  est identique en ce qui concerne M. Netanyahou à l’égard de qui la CPI a émis un mandat d’arrêt en date du 21 nov. 2024.

 

Bien des Etats Parties du Statut de Rome avaient applaudi à la double décision de la CPI concernant MM. Poutine, puis Netanyahou, qui les satisfaisait moralement. Ce faisant, ils s’excluaient de toute possibilité réelle de contribuer à des efforts de paix. M. Trump a beau jeu, après, de vouloir négocier tout seul avec la Russie, l’Ukraine ou Israël.

 

On ne peut que douter du bienfondé du communiqué du 15.11.2000 du Conseil fédéral qui disait : « L’institution d’une Cour pénale internationale permanente qui doit éradiquer ce mal qu’est l’impunité était attendue depuis des décennies. Sa création constitue une précieuse contribution à la paix et à la sécurité ».  Ce ne serait peut-être exact que si tous les Etats, sans exception, adhérait au Statut de Rome et si le Statut lui-même disposait qu’une décision de la CPI est sans effet quand elle concerne un chef d’Etat ou un haut responsable politique en fonction. Dans la dure réalité des jeux de pouvoir internationaux, les meilleurs artisans de la paix sont probablement ceux qui sont d’accord de « négocier avec le diable », comme le dit si bien le titre du livre de Pierre Hazan dont j’ai déjà parlé dans mes billets des 24 février et 9 juillet 2024. Il est nettement plus courageux et utile, dans les rapports internationaux, de risquer sa réputation en négociant avec le diable que de suivre la vox populi en traitant un adversaire de tortionnaire et en s’obligeant à  l’arrêter quand on l’invite pour négocier.